La Nouvelle Revue Française n° 500, septembre 1994 (extrait)


POÈMES


ICONE

La barrière levée, des voiture traversent le lit sec. Papiers: le symbole se détourne, et laisse entre les deux bras de la rivière. L'air fume. A chaque virage, des tiges de maïs penchent, les champs vibrent en essaims de guêpes comme la trace d'un orage au soleil. Puis les pancartes s'effacent. Du crépi, jaune pâle, plus souvent la brique nue, même en bas de l'église. Une femme ressemble aux murs. Elle a dû voir des chevaux sur la route, partir des juifs, mais reste une image et ne répond pas.


MERLES

Après la plaine, vague, les pentes s'envolent comme des merles longtemps serrés contre la paume. La roche a traversé le talus. S'ouvrent alors, en théâtre, des pans de blé. Plus à gauche, un rayon perce la brume, l'espace éclate. De la paille s'est arrachée, des bêtes mangent l'herbe frappée de foudre et la terre, qui bruissent. Des pages broient le grain des morts. Pas un souffle, au ciel: une couleur.


ATTEINDRE

Main tendue car une mouette plane. Des étoiles et le vide l'éclairent. Braqué vers le large, un canon. Le jour, dessinant un tracteur sous une rafale d'oiseaux, croise des clôtures, tranche d'un coup les buissons secs. Un passant casse quelques brindilles, puis va mettre une couronne sur le tombeau de la sorcière. Au pied du houx, deux pierres seront la source, le fond de l'orage.


LE JEU

Ces nuages, un autre soleil les accompagne. Des strates percent les touffes d'ajonc. Les stèles célèbrent des morts ivres de tabac mais on tape contre des caisses, personne n'entend le socle partir, comme une question, de la fumée. Des collines brûlent. Entre les pierres, le vent joue d'une balle.